Note de lecture du roman d’Olivier Sebban, Sécessions (Payot et Rivages, Paris, 2016), dans Europe, 2016, 1051/1052, p. 360-361. - Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Europe. Revue littéraire mensuelle Année : 2016

Note de lecture du roman d’Olivier Sebban, Sécessions (Payot et Rivages, Paris, 2016), dans Europe, 2016, 1051/1052, p. 360-361.

Résumé

NOTES DE LECTURE sa seconde femme), ses années de formation dans différentes villes d'Europe, y compris au-delà du Rideau de fer, ses deuils, ses succès et ses échecs faisaient de sa vie une belle matière. La mienne, en comparaison, était sans relief. » Perte d'estime de soi. Le récit d'Hervé Carn est empreint d'amertume : incapacité pour l'écrivain d'aujourd'hui d'être un intellectuel engagé, sentiment qu'aucune prise n'est pour lui possible dans ce chaos qu'est devenu l'Histoire. D'où le désespoir et le repli sur soi dictés par la marche d'un temps auquel l'écrivain ne peut ni échapper ni souscrire. S'explique ainsi le renoncement à un roman contem-porain trop déconnecté de l'Histoire. Le paradigme hégélien du « grand homme », le « conducteur d'âmes », n'est plus possible aujourd'hui. L'écrivain n'a plus le « bonheur d'être l'agent d'un but qui constitue une étape dans la marche progressive de l'Esprit universel » (La Raison dans l'histoire, 1830). Restent ces illusions perdues dont une littérature dépourvue d'idéal a pu se faire le complaisant porte-parole. La parole entravée d'Hervé Carn rejoint celle du poète Morhange revenu, lui aussi, de bien des illusions. Ayant préféré Marx à Rimbaud face à Breton, peu lui chaut l'absence de reconnaissance de ses pairs. Morhange donne la parole aux exclus. Dire la souffrance au quotidien, c'est la nécessaire condition de l'écriture du poème. Carn montre que l'écrivain devient lui aussi un exclu bâillonné par un système qui n'aime ni les hommes de vigie ni les magiciens de paroles. Sombre futur… Michel LAMART Olivier SEBBAN : Sécessions (Rivages, 20 €). Savannah, Géorgie, août 1840. Elijah Delmar assassine son frère dans le cabinet de son père. Le fratricide a pour origine l'amour dissymétrique porté par ce père ainsi que l'adultère, produit du ressentiment : le fils putatif du bien-aimé David est en réalité celui d'Elijah. Tout devient alors fuite et poursuite provoquées par la série de sécessions ainsi ouverte. Elijah fuit la culpabilité. Amos, poursuivi par le remords paternel, le poursuit, mais pour mieux l'aider à fuir. Il est alors lui-même fui par ses patients pour la complicité, cette fois inversée, qui naît comme naturellement de ce meurtre contre nature. Isaac, le fils adultérin, fuit quant à lui l'éducation libérale de son grand-père pour s'embarquer aux côtés des Confédérés dans une Guerre de Sécession où il espère retrouver son oncle et venger son père. Elaine, vendeuse de biens puis d'elle-même, qui a séduit Elijah, poursuit ce dernier de ses assiduités vénales. Elle croit le retrouver en son fils qui devine alors la vérité, retrouve son père et reprend finalement la route après l'incendie vengeur allumé par cette furie, lui laissant la garde de son fils, comme lui-même avait été confié à son grand-père. Dans cette course incessante aux allures d'exil et parfois d'exode qui rappelle le mythe du Juif errant, Olivier Sebban approfondit ses thèmes de prédilection. Comme dans Amapola et dans Le Jour de votre nom, la question de la perte et de la recherche de l'identité a pour cadre une guerre de libération et de persécution : après les affres de l'Espagne et de la Seconde Guerre aux frontières de celle-ci, c'est la Guerre de Sécession qui sert à refléter les déchirements familiaux et la diaspora qui s'ensuit. Dans la suite du Jour de votre nom, cette quête est plus intimement associée à l'appro-priation du nom véritable. Álvaro découvrait celui que lui avait caché son père. Elijah abandonne celui que lui a légitimement laissé le sien au profit d'un nom d'emprunt qui dit l'essentielle filiation (Mendelssohn) et qu'il peut finalement donner à son fils illégitime, entre autres parce qu'il le lui a lui-même en partie emprunté (sous la forme du prénom Isaak, Mendelssohn étant le nom de la mère d'Isaac). La fuite se fait fondation. Pareille fondation est étayée par un motif symbolique : la clef. La clef du cabinet médical devenu mortuaire, conservée par le grand-père, emmenée par le petit-fils, finit par devenir le passe d'une nouvelle maison où se sont enfin réunis père et fils qui lui construisent une serrure à ses dimensions. L'héritage du fratricide est accepté,
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Citer

Fabienne Jourdan. Note de lecture du roman d’Olivier Sebban, Sécessions (Payot et Rivages, Paris, 2016), dans Europe, 2016, 1051/1052, p. 360-361.. Europe. Revue littéraire mensuelle, 2016. ⟨hal-02426884⟩
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