, citoyenneté embryonnaire, qualifiée d'incomplète, que seules des réformes successives permirent d'amener à la citoyenneté athénienne d'époque classique

C. , A. T. Edwards, and . Dans-une-Étude-sur-le-monde-d'hésiode, Usant du paradigme néo-évolutionniste, il tient Ascra pour une communauté pré-politique, c'est-à-dire pré-polis, dont le modèle serait à chercher dans les âges obscurs. Il n'en admet pas moins que de semblables villages, dotés d'une organisation sociale analogue, continuèrent d'exister jusqu'à l'époque classique, tels les fossiles d'un temps révolu. Il est à craindre pourtant que dans l'évolution restituée par A. T. Edwards, un seul et unique modèle civique n'intervienne, celui d'une cité « with its elite, its formal institutions and offices, and its fixed territory 68 », qui n'est au mieux que l'idéal-type aristotélicien. Il faut enfin rappeler le débat passionné entre Moshe Berent et Mogens Herman Hansen sur la nature de la cité grecque archaïque. Là où le premier y voyait une forme de « société sans État » (stateless society) inscrite dans un schéma d'anthropologie évolutionniste -à savoir une communauté politique qui ne dispose pas de gouvernement institutionnalisé et centralisé administrant un territoire et sa population -, le second réaffirmait avec force sa conception d'une cité-État grecque immuable

, « Il n'y a pas de différence de fond entre chefferie héréditaire et État. Il y a une différence d'échelle qui entraîne une série de transformations

, Ainsi définie, la notion d'État ne me paraît d'ailleurs en rien fournir un modèle à la cité grecque archaïque, sauf à s'en tenir à l'avis de Claudia de Oliveira Gomes qui, alignant les communautés aristocratiques du haut archaïsme sur le modèle anthropologique de la chefferie, pense à l'inverse pouvoir restituer l'apparition d'un « corps de fonctionnaires » dans les régimes tyranniques 71 . Le néo-évolutionnisme a du reste été l'objet d'importantes critiques de la part des anthropologues eux-mêmes, qui rappellent notamment qu'un tel modèle heuristique n'est applicable que sur la longue durée, mais est totalement inadapté à des échelles temporelles réduites 72 -comme le sont les quelques siècles de l'archaïsme grec. À bien y réfléchir, il est du reste paradoxal que les historiens de la Grèce archaïque pensent trouver des modèles originaux dans la comparaison avec les sociétés primitives, dans la mesure où c'est précisément à partir d'une vision tribale des sociétés de l'Antiquité gréco-romaine que les pères fondateurs de l'anthropologie sociale ont naguère interprété les populations primitives qu'ils observaient et alors même que pareille vision a depuis lors été sérieusement remise en question, ne serait-ce qu'avec l'ouvrage Tribu et cité de Denis Roussel 73, exerce le même pouvoir à tous les endroits du territoire et délègue une partie de ce pouvoir au personnel d'une administration 70, vol.75, p.20, 1999.

. De-oliveira-gomes, Voir aussi mon compte rendu : DUPLOUY 2009. 72. YOFFEE 1993 ; MCINTOSH 1999. De ce point de vue, les études rassemblées par Nicola Terrenato et Donald C. Haggis sont en revanche bien décevantes ; le modèle néo-évolutionniste y est en effet rarement mis en question, vol.110, p.66, 2007.

, En tant que société, la polis était liée à toutes les sphères d'activité que les citoyens avaient en commun dans leur vie quotidienne. Contrairement à la perspective aristotélicienne, le coeur de la cité n'était pas restreint à une activité politique s'exprimant à travers des institutions formelles. Dans la Grèce archaïque, le « politique » était au contraire « encastré » -pour adopter la perspective polanyienne de l'anthropologie historique -dans la société elle-même 78 . Toute sorte d'activités dans les champs les plus divers (social, politique, judiciaire, militaire, cultuel, artistique ou économique) pouvait donc fonctionner comme processus d'inclusion ou d'exclusion et ainsi contribuer à distinguer entre « insiders » et « outsiders ». Au-delà des pratiques collectives, comme le banquet, les cultes, la chasse, qui ont depuis longtemps retenu l'attention, j'insiste pour ma part sur la nécessité de replacer de manière particulièrement dynamique l'action de l'individu au coeur du processus de genèse des cités grecques, de lui rendre sa place dans la construction des communautés et des identités qui y sont liées 79 . Plutôt que de subordonner leur existence à celle du groupe dans lequel ils s'inscrivent, ce sont les individus qui, selon la dynamique des « comportements civiques » et des « modes de reconnaissance sociale », esquissèrent les contours de la cité et de son élite. De ce point de vue, on pourrait même dire, en reprenant le schéma linguistique de É. Benveniste, qu'il existait bien, d'un point de vue historique, des politai avant la polis. Il ne s'agit pourtant pas de tomber dans une alternative stérile, plaçant l'un ou l'autre terme de l'équation en position d'antériorité, mais bien d'admettre, sur le modèle de la force d'entraînement que constituent l'habitus et les pratiques sociales qui en dépendent, que les individus contribuaient aussi, selon la formule d'Alcée et de Thucydide, à esquisser les contours de leur cité, « Ce sont les hommes qui font la cité » (?????? ??? ?????), écrivait Thucydide (VII 77, 7), suivant en cela Alcée (fr. 112, 10 et 426 L-P). Quelles que soient les péripéties rencontrées par une cité, même la perte de son territoire ou un changement politique majeur, la polis peut en effet être envisagée comme une communauté de citoyens

, Outre la participation à l'Assemblée et au Conseil, qui renvoie à la définition d'Aristote et de M. H. Hansen, Alcée mentionne les cultes et les rituels, la guerre et les rivalités politiques, étendant ainsi l'exercice de la citoyenneté à de nombreux domaines de la vie en communauté. C. Ampolo n'hésite d'ailleurs pas à qualifier les citoyens d'« actionnaires de la cité, L'historien italien évoque en effet ces quelques vers d'Alcée (fr. 130 L-P)

L. , dans la mesure où il étend la participation du citoyen aux activités socio-économiques, comme la propriété foncière ou le partage des revenus miniers. « I cittadini non solo partecipano alla vita politica 78, 1992.

, C'était la conclusion de mon livre, cf. DUPLOUY, pp.289-292, 2006.

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